vendredi 7 octobre 2022

Annie Ernaux Prix Nobel de littérature 2023

Le prix Nobel de littérature 2022 a été attribué, jeudi, à la Française Annie Ernaux, "pour le courage et l'acuité clinique dont elle fait preuve pour révéler les racines, la distanciation et les contraintes collectives de la mémoire personnelle", a déclaré l'Académie. 


Son style clinique, dénué de tout lyrisme fait l'objet de nombreuses thèses. Abandonnant très rapidement le roman, elle a inventé l"autobiographie impersonnelle". (RFi savoirs)


 

Née en 1940, elle vit jusqu'à ses 18 ans dans le café-épicerie "sale, crado, moche, dégueulbif" de ses parents à Yvetot en Haute-Normandie, dont elle va s'extraire grâce à une agrégation de lettres modernes obtenue à force d'un travail intellectuel intense.

Des "armoires vides" (1974) aux "Années" (2008), cette grande et belle femme blonde va suivre une trajectoire d'écriture qui la conduit d'un premier petit roman 

âpre et violent à cette généreuse autobiographie historique.
Dans "Les armoires vides", son héroïne décrit avec rage les deux mondes incompatibles dans lesquels elle évolue lors de son adolescence: d'un côté, l'ignorance, la crasse, la vulgarité des clients ivrognes, les petites habitudes minables de ses épiciers de parents et de l'autre "la facilité, la légèreté des filles de l'école libre" issues de la petite bourgeoisie.

"Ecriture plate"

Au fil des récits tous publiés chez Gallimard, l'auteure va réparer la trahison qu'elle estime avoir commise envers ses parents en leur consacrant un portrait réconcilié dans "La Place" et "Une femme" (1988).

Son style clinique, dénué de tout lyrisme fait l'objet de nombreuses thèses. Par cette "écriture plate", elle convoque l'universel dans le récit singulier de son existence. Abandonnant très rapidement le roman, elle renouvelle le récit de filiation et invente l"autobiographie impersonnelle".

Avec "Les Années", elle évoque sa vie pour tracer le roman de toute un génération, celle des enfants de la guerre marqués par l'existencialisme dans les années 50 et la libération sexuelle. À travers l'allusion à des objets, des mots, des chansons, des émissions de télévision, elle restitue une vérité de son temps.


"Je me considère très peu comme un être singulier mais comme une somme d'expériences, de déterminations aussi, sociales, historiques, sexuelles, de langages et continuellement en dialogue avec le monde (passé et présent)", écrit-elle dans "L'écriture comme un couteau".

Dès lors, l'écriture devient un moyen d'atteindre et de dire avec authenticité l'expérience intime de sa condition féminine modelée par Simone de Beauvoir: son dépucelage raté dans "La Honte" (1997) puis dans "Mémoire de filles" (2018), son avortement illégal vécu en 1963 comme une émancipation sociale dans "L'Evénement" (2000), l'échec de son mariage dans "La femme gelée" (1981) ou encore son cancer du sein dans "L'usage de la photo" (2005).

Le Livre qui a changé sa vie: "Le deuxième sexe" de Simone de Beauvoir



Jugée par ses détracteurs comme une écrivaine obscène et misérabiliste, elle choque par la description crue de l'aliénation amoureuse dans "Passion simple" (1992).




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