samedi 15 mai 2021

Hervé Le Tellier président de l'OULIPO et prix Goncourt 2020.

 "Qu'est-ce que l'Oulipo ? OULIPO ? Qu'est ceci ? Qu'est cela ? Qu'est-ce que OU ? Qu'est-ce que LI ? Qu'est-ce que PO ?" 

Par cette espiègle série d'interrogations, il n'avait pas échappé au romancier Jacques Roubaud et à l'historien Marcel Bénabou, de la première génération des Oulipiens, la curiosité que pouvaient susciter ces quelques syllabes. Six lettres pour signifier le principe suivant : 

mettre l'écriture sous cloche afin de mieux en faire surgir la création. 

Depuis tout juste soixante ans, c'est la contrainte volontaire qui guide les écrivains de l'Ouvroir de littérature potentielle. En ressort une langue riche et fantaisiste, au sein de laquelle intervient un abondant vivier de savoirs, tant littéraires que scientifiques. Un asservissement du langage, une contrainte qui se fait étreinte, par ceux qui l'aiment le plus. C'est ce qu'expliquait Hervé Le Tellier, président de l'Ouvroir depuis 2019 et lauréat du prix Goncourt pour son roman L'Anomalie, le 1er décembre dans le Journal de 8h :

"L'Oulipo, l'Ouvroir de littérature potentielle, c'est un groupe de travail qui existe depuis maintenant soixante ans et qui regroupe donc des mathématiciens, des physiciens, des amoureux du langage, des écrivains évidemment aussi, qui tous travaillent sur la littérature sous contrainte. C'est-à-dire qu'on s'intéresse à la manière dont un texte peut naître en appliquant dans son écriture une consigne, une structure, une forme ou ce qu'on appelle aussi, une contrainte. L'idée est toujours de s'imposer des choses pour commencer à écrire."

Naissance d'une "société secrète"

Pour mieux saisir les ressorts oulipiens, il est nécessaire de faire la genèse de ce petit groupe se définissant lui-même comme "des rats qui ont à construire le labyrinthe dont ils se proposent de sortir". Une construction qui démarre il y a un peu plus de soixante ans, le 24 novembre 1960, sous les auspices de l'alliance entre l'écrivain Raymond Queneau et son complice scientifique et néanmoins féru de littérature, François Le Lionnais. Elle prend alors le nom de "Selitex", comprenez Séminaire de littérature expérimentale qui, de l'initiative du professeur Albert-Marie Schmidt, le cèdera bien vite à l'original et bien plus amusant Oulipo. Autour des deux hommes se constitue ainsi une formation d'une dizaine de membres, conjuguant appétence de l'écriture et penchant scientifique, et qui ont pour autre point commun de faire partie de l'entourage de Queneau, dont ils sont tant les amis que les admirateurs. Des mathématiciens intéressés par la littérature, des écrivains en symbiose avec les mathématiques, qui travaillent dès lors dans la discrétion la plus totale de leur "une société secrète".  

C'est ainsi la naissance d'un véritable laboratoire de l'écriture, à une période charnière de l'évolution littéraire française, qui signe la fin d'une double illusion. Celle du surréalisme et sa figure de l'écrivain libre, avec lequel Raymond Queneau est quelque peu brouillé, et celle du mirage de l'engagement sartrien par sa dictée de la morale. Rompre avec des illusions, c'est aussi une conséquence de la sortie de guerre, pas si lointaine, dont on s'approprie dès lors la violence, comme tend à l'expliquer Camille Bloomfield invitée de "Tire ta langue" le 21 décembre 2014 

Mais alors, "Qu'est-ce que OU ? Qu'est-ce que LI ? Qu'est-ce que PO ?". C'est Hervé Le Tellier qui y répond encore une fois le mieux au micro d'Adèle Van Reth, dans "Les Chemins de la philosophie" du 17 mars 2016 : 

"Ou" c'est l'ouvroir. C'est très simple, ça veut simplement dire un petit groupe de gens qui se réunissent dans un endroit qui est plutôt clos, un petit peu l'endroit où on œuvre, une sorte de boudoir. Pour des gens qui font de la broderie. "Li", littérature, c'est une définition possible. Ça serait un acte volontaire d'écrire. Donc, pas quelque chose qui serait par exemple les horaires des chemins de fer. On pourrait travailler avec, mais ce n'est pas le départ. Et puis enfin, "Po", la potentialité. On peut la définir comme étant l'énergie potentielle ou la potentialité. C'est quelque chose qui est contenu dans le langage et qu'on exprime justement, par la contrainte.


 Et alors, Hervé Le Tellier dans tout ça???????

Hervé Le Tellier, lauréat du Goncourt 2020, est président de l'OuLiPo, un atelier de littérature expérimentale dont l'objectif est de jouer avec les contraintes linguistiques et d'en inventer de nouvelles.

« Si je n'étais pas membre de l'Oulipo, j'aurais écrit un roman très différent »

Hervé Le Tellier.
L'Anomalie, huitième roman d'Hervé Le Tellier, raconte les suites d'un événement étrange, à savoir qu'un vol Paris-New York se reproduit deux fois, avec les mêmes passagers, à quelques mois d'intervalle. Le récit, haletant, convoque avec brio tous les genres, roman noir, récit littéraire classique, procès-verbaux d'interrogatoire, etc. «L'idée c'est que puisque Trump est là, puisque Trump est la cause de la destruction du monde, la vision du livre c'est de proposer une autre version du monde, où Biden est président, a-t-il dit. C'est une option possible de lecture. (...) Les livres offrent des options il n'y a pas de dénouement en littérature, il y a des noeuds, et moi je l'ai noué comme ça.»

   

                                      NE MANQUEZ PAS CE LIVRE NI CET AUTEUR!!!                                                                                                                




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